Évaluation d’une intervention de promotion de la citoyenneté : le Projet citoyen de l’Université du rétablissement

Jean-François Pelletier
Professeur, Département de psychiatrie, Université de Montréal
Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal/Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal
Yale School of Medicine/Program for Recovery & Community Health
Denis Pouliot-Morneau
Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal/Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal
Erg., étudiant à la maîtrise, Département de sociologie, Université du Québec à Montréal
Janie Houle
Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal/Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal
Professeure, Département de psychologie, Université du Québec à Montréal
Julie Bordeleau
Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal/Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal
Étudiante au module de formation de mentor de rétablissement, Faculté de médecine de l’Université de Montréal
Sébastien Laroche
Agent de planification, programmation et recherche, Bureau de l’évaluation de l’expérience patient, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’île-de-Montréal
Michael Rowe
Yale School of Medicine/Program for Recovery & Community Health

Résumé

Le Plan d’action en santé mentale 2015-2020, du ministère de la Santé et des services sociaux du Québec, comprend des mesures « favorisant le plein exercice de la citoyenneté ». Il mise sur la mobilisation de tous les partenaires. Participation aux instances et citoyenneté vont de pair, mais jusqu’à récemment il n’existait pas de mesure de la citoyenneté qui aurait permis d’observer empiriquement d’éventuelles avancées en cette matière. Nous avons utilisé les résultats d’une nouvelle mesure de la citoyenneté validée pour structurer des groupes de discussion avec 18 usagers de services de santé mentale québécois ; ils ont ainsi commenté les résultats à la mesure administrée auprès de 800 autres répondants. Pour mener l’évaluation, deux types de données ont été mis à contribution de manière croisée, soit dans le cadre d’une méthode mixte. En effet, des données quantitatives ont été générées à partir des résultats à la mesure de la citoyenneté, tandis que des entrevues de groupe ont permis de produire des données qualitatives ici présentées sous forme d’extraits de ces entrevues. Avec 57,9 %, c’est pour la dimension « implication dans la communauté » que le résultat est le plus faible. Les participants aux entrevues de groupe ont commenté ce résultat en suggérant que l’implication dans la communauté se manifeste souvent d’abord par l’exercice d’un travail ; c’est d’ailleurs pour la question « Vous avez accès à du travail » que le score est le plus faible d’entre tous les 23 items, à égalité avec la possibilité d’influencer la communauté (50,3 %). D’autre part, le fait que ce soit pour l’item « Vous êtes traités avec dignité et respect » que le résultat soit le plus élevé s’explique peut-être par la possibilité que, en prenant davantage conscience de l’influence des déterminants sociaux (ce n’est donc pas volontairement que nous serions malades ou sans-emploi), les participants se regardent eux-mêmes avec plus de dignité et de respect. Ils sentent que le système public les considère davantage comme citoyens à part entière puisqu’il sollicite leur participation. La mesure de la citoyenneté s’est avérée pertinente pour soulever de tels enjeux.

Mots clés : rétablissement civique, mesure de la citoyenneté, déterminants sociaux, modèle global de santé mentale publique, plans d’action en santé mentale

Abstract

Evaluation of a citizenship-oriented intervention: The Citizens’ Project of the University of Recovery

Objectives The Global Model of Public Mental Health is “global” not only in the sense of having an international perspective, but in regarding service users as actors at all levels of public mental health exerting collective and organized influence on the social determinants of health, in addition to being recipients of care. Having access to appropriate health and mental health care when needed is a fundamental human right. Having a say over the manner in which care is provided, including partnership in decision making in care planning and ongoing care, has gained increasing support among recipients and providers of care. Over the past few decades in the Canadian province of Quebec, patient participation and partnership in decision-making has been promoted through successive Mental Health Action Plans (MHAP) and other policies. In these documents, participation and partnership are associated with the exercise of citizenship and the promotion of service users’ rights, including the rights to participate in one’s own care. In this article, using the case example of a citizenship-oriented intervention, namely the Projet citoyen, we discuss the results to a new measure of citizenship, which was developed from a service users’ perspective.

Methods Employing a mixed methods approach, two types of data were collected from users of mental health care. Quantitative data were generated from administration of a 23-item measure of citizenship with service users in the province of Quebec (N=802), and qualitative data were collected from four focus groups with another sample of 18 service users. They were presented with results from the administration of the measure, and asked to comment on them in regard to their own experience of citizenship.

Results Among the five dimensions of the measure of citizenship, participants scored lowest on the ‘involvement in the community’ dimension, and higher on the other dimensions of ‘basic needs,’respect by others,’self-determination,’ and ‘access to services.’ In focus groups, participants said that there is still prejudice in society and discrimination towards people with mental illnesses that limit their right to participate in public debate and mental health programming. Public health interventions at this level may help to change attitudes and social representations, as they are inclusive of persons with lived experience of mental illness. Public discussion of citizenship issues in relation to mental health also represent an opportunity for participants to confront existing problems, as a first step toward collective action.

Conclusion People’s lived experience of regaining a sense of citizenship and of belonging to their local neighborhoods and communities, including the scientific micro-community, can help to foster an evolution of public health from disease management to health promotion and community inclusion. More research is needed to compare the sense of citizenship to the rest of the population and to see if specific interventions can have an enduring impact (e.g.: pre/post design).

Keywords: civic recovery, measure of citizenship, social determinants, global model of public mental health, mental health action plan

Auteurs : Jean-François Pelletier, Denis Pouliot-Morneau, Janie Houle, Julie Bordeleau, Sébastien Laroche et Michael Rowe
Titre : Évaluation d’une intervention de promotion de la citoyenneté : le Projet citoyen de l’Université du rétablissement
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 42, numéro 1, printemps 2017, p. 205-222
URI : http://id.erudit.org/iderudit/1040251ar
DOI : 10.7202/1040251ar