Perspectives fondamentale, clinique et sociétale de l’utilisation des personnages virtuels en santé mentale

Audrey Marcoux
École de Psychologie, Université Laval
Centre Interdisciplinaire de Recherche en Réadaptation et Intégration Sociale (Cirris)
Centre de recherche CERVO
Marie-Hélène Tessier
École de Psychologie, Université Laval
Centre Interdisciplinaire de Recherche en Réadaptation et Intégration Sociale (Cirris)
Centre de recherche CERVO
Frédéric Grondin
École de Psychologie, Université Laval
Centre Interdisciplinaire de Recherche en Réadaptation et Intégration Sociale (Cirris)
Centre de recherche CERVO
Laetitia Reduron
Centre de recherche CERVO
Faculté de médecine, Université Laval
Philip L. Jackson
École de Psychologie, Université Laval
Centre Interdisciplinaire de Recherche en Réadaptation et Intégration Sociale (Cirris)
Centre de recherche CERVO

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Audrey Marcoux

RÉSUMÉ Avec l’attrait engendré par les avancées en informatique et en intelligence artificielle, les personnages virtuels (c.-à-d. personnages représentés numériquement d’apparence humaine ou non) sont pressentis comme de futurs prestataires de soins en santé mentale. À ce jour, l’utilisation principale de tels personnages est toutefois marginale et se limite à une aide complémentaire à la pratique des cliniciens. Des préoccupations liées à la sécurité et l’efficacité, ainsi qu’un manque de connaissances et de compétences peuvent expliquer cette discordance entre ce que certains s’imaginent être l’utilisation future (voire futuriste) des personnages virtuels et leur utilisation actuelle. Un aperçu des récentes données probantes contribuerait à réduire cette divergence et à mieux saisir les enjeux associés à leur utilisation plus répandue en santé mentale.
Objectif Cet article vise à informer tous les acteurs impliqués, dont les cliniciens, quant au potentiel des personnages virtuels en santé mentale, et de les sensibiliser aux enjeux associés à leur usage.
Méthode Une recension narrative de la littérature a été réalisée afin de synthétiser les informations obtenues de la recherche fondamentale et clinique, et de discuter des considérations sociétales.
Résultats Plusieurs caractéristiques des personnages virtuels provenant de la recherche fondamentale ont le potentiel d’influencer les interactions entre un patient et un clinicien. Elles peuvent être regroupées en deux grandes catégories : les caractéristiques liées à la perception (p. ex. réalisme) et celles liées à l’attribution spontanée d’une catégorie sociale au personnage virtuel par un observateur (p. ex. genre). Selon la recherche clinique, plusieurs interventions ou évaluations utilisant des personnages virtuels ont montré divers degrés d’efficacité en santé mentale, et certains éléments de la relation thérapeutique (p. ex. alliance et empathie) peuvent d’ailleurs être présents lors d’une relation avec un personnage virtuel. De multiples enjeux socioéconomiques et éthiques doivent aussi être discutés en vue d’un développement et d’une utilisation plus accrue qui soient responsables et éthiques. Bien que l’accessibilité et la disponibilité des personnages virtuels constituent un avantage indéniable pour l’offre de services en santé mentale, certaines iniquités demeurent. L’accumulation de données biométriques (p. ex. rythme cardiaque) a également le potentiel d’enrichir le travail des cliniciens, mais aussi de mener au développement de personnages virtuels autonomes à l’aide de l’intelligence artificielle, ce qui pourrait conduire à certains dérapages (p. ex. erreurs de décision clinique). Quelques pistes de recommandations visant à éviter ces effets indésirables sont présentées.
Conclusion L’emploi des personnages virtuels sera de plus en plus répandu en santé mentale en raison de leurs avantages prometteurs. Ainsi, il est souhaitable que tous les acteurs impliqués s’informent sur leur usage dans ce contexte, se sensibilisent aux enjeux spécifiques, participent activement aux discussions quant à leur développement et adoptent des recommandations uniformes en vue d’un usage sécuritaire et éthique en santé mentale.

Mots-clés : personnages virtuels, avatars, agents virtuels, santé mentale, psychothérapie

Basic, Clinical and Social Perspectives on the Use of Virtual Characters in Mental Health

ABSTRACT Along other breakthroughs in computer sciences, such as artificial intelligence, virtual characters (i.e. digitally represented characters featuring a human appearance or not) are foreseen as potential providers of mental healthcare services. However, their current use in clinical practice is marginal and limited to an assistive role to help clinicians in their practices. Safety and efficiency concerns, as well as a general lack of knowledge and experience, may explain this discrepancy between the expected (sometimes futuristic) and current use of virtual characters. An overview of recent evidence would help pinpoint the main concerns and challenges pertaining to their use in mental healthcare.
Objective This paper aims to inform relevant actors, including clinicians, on the potential of virtual characters in mental healthcare practices and to raise awareness on societal challenges regarding their use.
Method A narrative literature review was conducted to summarize basic and clinical research findings, and to outline an in-depth discussion on various societal caveats related to the inclusion of virtual characters.
Results Basic studies highlight several characteristics of the virtual characters that seem to influence patient-clinician interactions. These characteristics can be classified into two categories: perceptual (e.g. realism) and social features (i.e. attribution of social categories such as gender). To this day, many interventions and/or assessments using virtual characters have shown various levels of efficiency in mental health, and certain elements of a therapeutic relationship (e.g. alliance and empathy) may even be triggered during an interaction with a virtual character. To develop and increase the use of virtual characters, numerous socioeconomic and ethical issues must be examined. Although the accessibility and the availability of virtual characters are an undeniable advantage for their use in mental healthcare, some inequities about their application remain. In addition, the accumulation of biometric data (e.g. heart rate) could provide valuable information to clinicians and could help develop autonomous virtual characters, which raises concerns over issues of security and privacy. This paper proposes some recommendations to avoid such undesirable outcomes.
Conclusion Due to their promising features, the inclusion of virtual characters will no doubt be increasingly prevalent in mental healthcare services. All involved actors should thus be informed about specific challenges raised by such breakthroughs. They should also actively participate in discussions regarding the development of virtual characters in order to adopt unified recommendations for their safe and ethical use in mental healthcare.

Keywords: virtual characters, avatars, virtual agents, mental health, psychotherapy

Auteurs : Audrey Marcoux, Marie-Hélène Tessier, Frédéric Grondin, Laetitia Reduron et Philip L. Jackson
Titre : L’utilisation des technologies pour optimiser la formation des intervenants en santé mentale aux traitements fondés sur les données probantes : où en sommes-nous ?
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 46, numéro 1, printemps 2021, p. 35-70
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1081509ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1081509ar

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