Cinq stratégies populationnelles ayant contribué à la réduction des taux de suicide chez les adolescents et les jeunes adultes québécois
Alain Lesage
Université de Montréal
Camille Brousseau-Paradis
Université de Montréal
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Dans un numéro de Santé mentale au Québec publié à l’automne 2012, était soulevé par le professeur Gilles Bibeau devant la diminution du taux de suicide au Québec, la nécessité de réfléchir à ce phénomène selon un ensemble d’axes complexes et interreliés : « Il faut réintroduire la totalité de la vie dans nos perspectives. » (Lesage et coll., 2012a). L’Institut national de santé publique du Québec reconnaît que la santé des populations repose sur la relation entre 4 grands facteurs, soit la génétique, l’environnement, les habitudes de vie et les services (Bernard et coll., 2004). Ces grands axes étiologiques peuvent être utilisés pour apprécier la complexité du phénomène du suicide au Québec (Lesage et coll., 2012b).
Dans cet essai, prenant appui sur les stratégies populationnelles de prévention du suicide, il sera proposé 5 stratégies ayant pu expliquer la réduction du suicide chez les adolescents et les jeunes adultes québécois. En apparence simples, ces stratégies comprennent des mécanismes complexes propres à alimenter la programmation de recherche en santé publique, tant pour approfondir les actions en cours, qu’établir la fraction populationnelle de réduction du suicide attribuable aux différentes stratégies proposées.
Établissons d’abord que les données statistiques québécoises confirment une décroissance de plus de 60 % du taux de suicide chez les adolescents québécois de 15-19 ans depuis les 25 dernières années ; on enregistrait 106 suicides (21,4 par 100 000) dans cette population en 1995 alors que les données indiquent 34 suicides (8,0 par 100 000) en 2019 (Levesque et coll., 2022 ; Renaud et coll., 2018). Chez les jeunes adultes québécois de 20-34 ans, on note une diminution de 20 % du taux de suicide, soit 224 suicides (13,9 par 100 000) en 2019 alors que 260 (17,2 par 100 000) étaient rapportés en 2005 (Légaré et coll., 2013 ; Levesque et coll., 2022). Une diminution aussi importante est unique au Québec ; le taux de suicide des adolescents québécois est maintenant en deçà de la moyenne au Canada alors qu’il était le plus élevé des provinces canadiennes à la fin des années 90 (Renaud et coll., 2018).
L’analyse stratégique (Contandriopoulos et coll., 2011) proposée ici vise à présenter les stratégies de réduction du risque populationnel de suicide ayant pu contribuer à la diminution des taux de suicide observés dans les dernières années. Le consortium European Alliance Against Depression (EAAD) a créé un modèle d’intervention à 4 niveaux pour réduire la suicidalité à l’échelle populationnelle. Les stratégies proposées sont : 1) les campagnes de sensibilisation à la dépression pour le grand public ; 2) la formation et le soutien à la pratique des médecins de première ligne dans la détection et le traitement des troubles mentaux ; 3) la formation à la détection du risque suicidaire par le personnel psychosocial de première ligne ; 4) la coordination des services sociaux et de santé pour les groupes à risque (Hegerl et coll., 2009). Cet essai présente ces 4 stratégies adaptées au contexte des adolescents et jeunes adultes québécois, ce à quoi s’ajoute la stratégie même de prévention des troubles mentaux, ceux-ci représentant près de 50 % de la fraction populationnelle attribuable pour le suicide (Cavanagh et coll., 2003) (Tableau 1).
Auteurs : Alain Lesage et Camille Brousseau-Paradis
Titre : Cinq stratégies populationnelles ayant contribué à la réduction des taux de suicide chez les adolescents et les jeunes adultes québécois
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 49, numéro 2, automne 2024, p. 95-103
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1114406ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1114406ar