Les rencontres entre médiateurs de santé pairs et usagers de la psychiatrie en France : effets thérapeutiques, limites et impasses. Partie 2

Lise Demailly
Professeure émérite de sociologie, Université de Lille, CLERSE, MESHS-CNRS
Nadia Garnoussi
Maître de conférence en sociologie, Université de Lille III, Centre de Recherche Individus, Épreuves, Sociétés (CeRIES)

Résumé

Objectif : Cet article traite des rencontres entre des usagers de la psychiatrie et de nouveaux professionnels, les médiateurs de santé pairs (MSP), formés dans le cadre d’un programme expérimental français dirigé par le CCOMS (Centre collaborateur de l’OMS). Les données empiriques que nous présentons ici sont issues d’une enquête sociologique qualitative qui a participé à l’évaluation de ce programme, menée entre 2012 et 2014. Le programme MSP consiste à embaucher dans des services de psychiatrie publique, au terme d’une formation de huit semaines équivalant à un diplôme universitaire et d’une année de stage, d’(ex-) usagers de la psychiatrie, des personnes « ayant eu ou ayant encore des troubles psychiques, rétablis ou en voie de rétablissement ». Au-delà de la création d’une nouvelle profession dans le champ de la santé mentale, le programme s’est donné pour objectif la transformation des pratiques et des représentations des équipes de psychiatrie publique.

Méthode : Sur la base des entretiens et des observations dont disposent les chercheurs, ce deuxième article s’intéresse, d’une part, aux effets thérapeutiques de la relation avec les MSP et, d’autre part, aux limites ou aux impasses de cette relation, telles qu’elles sont estimées par les usagers.

Résultats : Les usagers évoquent des interactions qui reposent sur la facilité du contact, la proximité et la disponibilité du MSP. Cette proximité peut s’assimiler à une forme de camaraderie appréciée dans le contexte institutionnel de prise en charge mais conduit également des usagers à voir dans le MSP un modèle qui donne « espoir ». Les modalités pratiques mises en oeuvre par les MSP sont diverses mais visent généralement une transformation progressive du quotidien, via des techniques et des méthodes favorisant un certain « mieux-être » ou « mieux-vivre ». Si les MSP peuvent développer ainsi une certaine spécificité, ils se confrontent également à des limites de la relation avec les usagers. Celles-ci se traduisent notamment par la réduction de sa fonction à un rôle de compagnie, par une identification difficile au MSP et à son discours, voire à une incrédulité face à l’idée que d’(ex-) malades peuvent aider. L’analyse des rencontres entre MSP et usagers donne un éclairage précieux sur les attentes à l’égard des « savoirs expérientiels » et leurs applications concrètes. Le savoir expérientiel de la maladie a des usages surtout rhétoriques : il sert à entrer en relation. D’autres dimensions de l’expérience doivent également être prises en compte, telles que le savoir expérientiel du métier de patient ou l’expérience du rétablissement personnel, qui sont de nature plus pratique et qui peuvent permettre au MSP de contribuer à ce que l’usager aille mieux.

Mots clés médiateurs de santé pairs, savoir expérientiel, santé mentale, rencontres MSP-usagers

Encounters between peer workers and users of psychiatry in France: therapeutic effects, limits and pitfalls. Part 2

Auteurs : Lise Demailly et Nadia Garnoussi
Titre : Les rencontres entre médiateurs de santé pairs et usagers de la psychiatrie en France : effets thérapeutiques, limites et impasses. Partie 2 / Encounters between peer workers and users of psychiatry in France: therapeutic effects, limits and pitfalls. Part 2
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 40, numéro 1, printemps 2015, p. 189-201

URI : http://id.erudit.org/iderudit/1032390ar
DOI : 10.7202/1032390ar

Tous droits réservés © Département de psychiatrie de l’Université de Montréal, 2015