L’impact de la consommation du cannabis sur les symptômes psychiatriques : une étude transversale portant sur les troubles mentaux graves
Hind Ziady
Université de Montréal
Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Mélissa Beaudoin
Université de Montréal
Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Université McGill
Elischa Augustin
Université de Montréal
Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Eugénie Samson-Daoust
Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Centre d’études sur le sexe*genre, l’allostasie, et la résilience
Kingsada Phraxayavong
Services et Recherches Psychiatriques AD
Alexandre Dumais
Université de Montréal
Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Services et Recherches Psychiatriques AD
Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel
Vous pouvez télécharger l’article en cliquant sur le lien suivant :
Résumé
Objectif Le cannabis est la drogue la plus consommée au sein de la population générale, mais sa prévalence d’usage reste plus élevée chez les personnes souffrant de troubles mentaux graves. De plus, les données actuelles démontrent les effets délétères du cannabis sur la symptomatologie de ces maladies. L’étude transversale ci-présente vise donc à évaluer l’impact de la consommation du cannabis sur la symptomatologie psychiatrique des personnes avec un trouble mental grave en contrôlant l’effet des variables confondantes de l’âge, du sexe ainsi que de la consommation concomitante d’alcool ou de stimulants.
Méthode Des analyses secondaires ont été effectuées sur les données de 72 participants provenant d’une étude antérieure. Leurs consommations de cannabis, d’alcool et de stimulants ont respectivement été mesurées à l’aide du Cannabis Use Problems Identification Test (CUPIT), du Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT) et de la question sur la fréquence de consommation du Structured Clinical Interview for DSM-5 – Clinician Version pour les troubles liés à l’usage des stimulants (SCID-5-CV-TLUS). En lien avec la symptomatologie psychiatrique, celle-ci a été mesurée à l’aide du modèle à 5 sous-échelles du Positive and Negative Syndrome Scale (PANSS).
Résultats Différents modèles linéaires explicatifs des symptômes du PANSS ont été réalisés à l’aide d’une combinaison de variables indépendantes, soit l’âge, le sexe, le CUPIT, l’AUDIT et la question sur la fréquence de consommation du SCID-5-CV-TLUS. Le modèle explicatif des symptômes d’excitation est statistiquement significatif (F = 4,629, p = 0,001) et il permet de prédire 20,4 % de la variance de ces symptômes (R2ajusté = 0,204). Ici, le CUPIT est la variable qui influence le plus le modèle (ß = 0,381 ; p < 0,001). Le modèle explicatif des symptômes positifs est également statistiquement significatif (F = 3,631, p = 0,006) et il permet de prédire 15,6 % de la variance de ces symptômes (R2ajusté = 0,156). Or, le CUPIT n’influencerait pas de manière statistiquement significative ce modèle (ß = 0,125 ; p = 0,272), mais la question sur la fréquence de consommation du SCID-5-CV-TLUS l’influencerait (ß = 0,399 ; p = 0,001). De plus, la question sur la fréquence de consommation du SCID-5-CV-TLUS influence également le modèle explicatif des symptômes d’excitation (ß = 0,273 ; p = 0,022).
Conclusion Bien que d’autres études, idéalement longitudinales, soient nécessaires pour confirmer l’impact péjoratif du cannabis sur les symptômes d’excitation, l’étude ci-présente réitère l’importance de dépister et de prendre en charge les habitudes de consommation de drogues, particulièrement le cannabis, chez les personnes atteintes de troubles mentaux graves.
Mots-clés : cannabis, troubles mentaux graves, schizophrénie, trouble bipolaire, dépression
Abstract
Objective Cannabis is the most commonly used drug in the general population, but its prevalence of use remains higher among people suffering from severe mental disorders. Nevertheless, current cannabis research showed it to be deleterious on psychiatric symptoms, especially among patients with severe mental disorders. This present cross-sectional study aims to evaluate the impact of cannabis consumption on the psychiatric symptomatology of people with a serious mental disorder by controlling for the confounding variables of age, sex and concomitant alcohol or stimulant consumption.
Method Secondary analyses were performed on data from 72 participants from a previous study. Their use of cannabis, alcohol and stimulants was measured using the Cannabis Use Problems Identification Test (CUPIT), the Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT) and the frequency of use question from the Structured Clinical Interview for DSM-5–Clinician Version for Stimulant Use Disorders (SCID-5-CV-TLUS), respectively. Their psychiatric symptoms were measured using the five subscale model of the Positive and Negative Syndrome Scale (PANSS).
Results Different linear explanatory models of PANSS symptoms were carried out using a combination of independent variables, i.e. age, sex, CUPIT, AUDIT and the question on consumption frequency of the SCID-5–CV-TLUS. The explanatory model of excitement symptoms is statistically significant (F = 4.629, p = 0.001) and it makes it possible to predict 20.4% of the variance of these symptoms (adjusted R2 = 0.204). In this model, CUPIT is the variable that most influences the model (ß = 0.381; p < 0.001). The explanatory model for positive symptoms is also statistically significant (F = 3.631, p = 0.006) and that makes it possible to predict 15.6% of the variance in these symptoms (adjusted R2 = 0.156). However, the CUPIT would not influence this model in a statistically significant way (ß = 0.125; p = 0.272), but the question on the frequency of consumption of the SCID-5-CV-TLUS would influence it (ß = 0.399; p = 0.001). In addition, the question on the frequency of consumption of the SCID-5-CV-TLUS also influences the explanatory model of excitement symptoms (ß = 0.273; p = 0.022).
Conclusion Although further studies, ideally longitudinal, are needed to confirm the deleterious effect of cannabis on excitement symptoms, the present study reiterates the importance of screening and managing consumption habits of drugs, particularly cannabis, in people with serious mental disorders.
Keywords: cannabis, severe mental disorders, schizophrenia, bipolar disorder, depression
Auteurs : Hind Ziady, Mélissa Beaudoin, Elischa Augustin, Eugénie Samson-Daoust, Kingsada Phraxayavong et Alexandre Dumais
Titre : L’impact de la consommation du cannabis sur les symptômes psychiatriques : une étude transversale portant sur les troubles mentaux graves
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 49, numéro 2, automne 2024, p. 221-245
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1114412ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1114412ar