Mesi Ampil, Ayiti

An Nguyen
M. D. Résidente V en psychiatrie, Département de psychiatrie, Université de Montréal
Mélissa Prud’homme
M. D. Résidente III en psychiatrie, Département de psychiatrie, Université de Montréal
Martin Lalonde
M. D. Résident II en psychiatrie, Département de psychiatrie, Université de Montréal

Résumé | Extrait

Haïti, autrefois surnommée « La perle des Antilles », demeure un pays précaire de par son économie et les conditions de vie de ses habitants, d’autant plus depuis le tremblement de terre du 10 janvier 2010. Les ressources psychiatriques demeurent également naissantes, avec seulement une quinzaine de psychiatres pour dix millions d’habitants en 2013, contre 1050 desservant actuellement les huit millions de Québécois. De plus, le manque de connaissance et d’expérience en psychiatrie de la part des professionnels de santé est l’un des obstacles majeurs à la délivrance de soins psychiatriques efficaces à la population du pays. Dans ce contexte, le Département de psychiatrie de l’Université de Montréal a organisé pour une troisième année consécutive un projet d’enseignement sur les troubles psychotiques en Haïti auquel nous avons eu la chance de participer.

Ainsi, nous sommes partis par une froide matinée de mars, équipés de tous nos anti-paludismes et de nos présentations PowerPoint, pour un stage auquel il aurait été difficile de bien se préparer. Nous avions en tête de débarquer en Haïti pour un stage d’enseignement auprès des étudiants en médecine, mais nous ignorions à ce moment à quel point ce stage serait aussi enrichissant. Nous avons été accueillis par un soleil de plomb, 28 degrés Celsius, des gens aussi chaleureux que le climat et une organisation à l’aéroport qui demandait déjà flexibilité et adaptation. Se sont ensuite succédé pendant une semaine visites des hôpitaux, supervision de résidents, enseignement aux étudiants en médecine, rencontres avec les équipes traitantes et bien plus, le tout sur un fond de charmants paysages un peu chaotiques. Le mot d’ordre pour le voyage demeurait « adaptation ». Nous avons découvert à quel point la culture haïtienne se veut moins procédurale que ce dont nous sommes habitués au Québec. Il ne fallait pas se surprendre qu’il n’y ait pas d’horaire fixe de stage ni de supervision de cas ! Même si le fonctionnement du système en Haïti semble différer de celui du Québec, il y règne une atmosphère accueillante et peu propice au stress, qui vaut la peine d’être vécue ! Nous retenons de cette expérience l’infinie richesse de chacun des échanges, autant durant les discussions concernant la culture, les moeurs, la cuisine que la religion et la politique.

Les enjeux culturels teintant leurs entités diagnostiques et leurs façons d’interpréter les problèmes de santé mentale nous ont appris à intégrer ces concepts dans notre pratique, de manière à rendre cette expérience de stage unique. Il n’a suffi que d’une semaine pour nous faire voir à quel point nous en avions encore à apprendre sur la pratique de la psychiatrie en Haïti. Vous avez dit Zombies, Loups-garous, Vaudou ! Nous avons été frappés par une discussion avec un étudiant universitaire qui nous mentionnait que ces concepts « ne sont pas réalistes, mais bien réels ».

Notre compréhension de cette culture demeure certes partielle et imparfaite, mais nous sommes convaincus que nous portons un regard différent sur la psychiatrie, que nous pratiquons différemment depuis notre retour. Dans un contexte d’hétérogénéité culturelle aussi riche que dans nos milieux de pratique actuels, une sensibilisation à la différence ne peut que faire de nous de meilleurs résidents, de meilleurs cliniciens et des personnes plus complètes.

La psychiatrie est une médecine exceptionnelle et sa pratique est autant diversifiée qu’enrichissante. Cette semaine en Haïti est synonyme d’exploration, de collaboration, d’ouverture d’esprit et d’interculturalisme. En tant que médecins-résidents en psychiatrie de l’Université de Montréal, nous pouvons être fiers de faire partie d’un département qui prône l’implication de ses étudiants dans des projets comme celui du stage d’enseignement en Haïti, qui nous permettent de nous développer non seulement en tant que cliniciens, mais aussi en tant qu’humains, dignes des plus beaux pétales CanMeds.

Auteurs : An Nguyen, Mélissa Prud’homme et Martin Lalonde
Titre : Mesi Ampil, Ayiti
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 40, numéro 2, été 2015, p. 331-333

URI : http://id.erudit.org/iderudit/1033061ar
DOI : 10.7202/1033061ar

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