Notions et brève évaluation de la qualité des services en santé mentale au Québec

Marie-Josée Fleury
Université McGill – Institut universitaire en santé mentale Douglas ; Responsable de l’axe Santé mentale des populations du Réseau de recherche en santé des populations du Québec (RRSPQ)

Vous pouvez télécharger l’article en cliquant sur le lien suivant :

Qualité des services

Contexte, définitions, indicateurs et modalisation

Améliorer la qualité des services (QS) est l’un des enjeux centraux des systèmes de santé depuis de nombreuses années, et au coeur des multiples transformations dans plusieurs pays (Kilbourne et al., 2018) dont au Québec. La QS est un concept complexe et multidimensionnel, qui peut être défini comme « le degré auquel les soins pour les individus et les populations augmentent la probabilité d’obtenir les résultats souhaités en matière de santé et sont conformes aux meilleures connaissances actuelles sur les pratiques et services de santé » (Institute of Medicine – Lohr et al., 1992) ; ou « des services sociosanitaires exempts de stigmatisation, axés sur le rétablissement, fondés sur des données probantes, respectant les valeurs culturelles et linguistiquement adaptés, équitables et inclusifs » (Commission de santé mentale (SM) du Canada (CSMC, 2023). Bref, la mesure de la QS répond principalement à la question suivante : « Est-ce que les usagers reçoivent les services sociosanitaires nécessaires répondant adéquatement à leurs besoins, au moment, lieu, fréquence et selon les meilleures modalités connues ? » (Campbell et al., 2000).

Les sous-dimensions de la QS les plus identifiées au niveau individuel sont l’accès, la continuité, la sécurité, l’efficacité et l’adéquation des services, et au niveau populationnel : l’équité, l’efficience, la coordination ou l’intégration des services. L’accès aux soins réfère à leur temporalité (p. ex. temps d’attente), localisation (disponibilité des services urbains vs ruraux), abordabilité (capacité de payer), relève des caractéristiques (adultes vs jeunes), groupes (population générale vs en situation d’itinérance) ou préférences des usagers (psychiatrie vs soins primaires). La continuité traduit l’alliance thérapeutique et son maintien sur plusieurs années d’un patient avec un clinicien (p. ex. confiance, respect, empathie), la coordination adéquate des services où les services sont complémentaires et fluides entre les dispensateurs de services, et de l’information où le patient n’a pas à répéter son histoire et où les données cliniques sont partagées entre les dispensateurs de soins (Biringer et al., 2017 ; Haggerty et al., 2003). La sécurité des services en SM réfère particulièrement aux mesures prises pour minimiser les comportements suicidaires, les accidents, dont les intoxications, les effets secondaires des traitements, etc. (Tyler et al., 2021). L’efficacité renvoie à l’emploi de données probantes ou minimalement ayant fait l’objet de consensus d’experts (p. ex. protocoles cliniques, outils de mesure de dépistage/diagnostic) dont l’emploi de systèmes d’aide à la prise de décision et au monitorage des résultats des traitements des usagers (measurement based care) (Aboraya et al., 2018), ainsi qu’aux dimensions interpersonnelles des soins (p. ex. non-stigmatisation, approches centrées sur le patient – respectant ses préférences et décisions (Campbell et al., 2000)).

En SM incluant les dépendances, il existe plusieurs « bonnes pratiques » particulièrement reconnues référant à des approches (p. ex. biopsychosociale, rétablissement, réduction des méfaits), à des traitements (p. ex. thérapies cognitivo-comportementales et motivationnelles, autosoin), à des stratégies cliniques ou organisationnelles (p. ex. plans de services individualisés, infirmières de liaison aux urgences, pairs aidants), ou à des programmes ou modèles de soins (p. ex. soins de collaboration, soins chroniques) (Fleury et Grenier, 2012). Certaines de ces pratiques concernent davantage les usagers ayant des troubles mentaux (TM) courants (p. ex. soins par étape, gestion de cas) (Wampold et al., 2011), des TM graves (p. ex. soutien d’intensité variable, suivi intensif) (Drake et al., 2000), des dépendances (p. ex. AA – Alcooliques anonymes) ou des TM-dépendances concomitants (p. ex. soins intégrés) (Chauvet et al., 2015). D’autres visent des groupes d’âge spécifiques (p. ex. programme de premiers épisodes psychotiques – 12 à 35 ans) (Correll et al., 2018) ou des secteurs de services particuliers (p. ex. soutien à l’emploi (Mueser et al., 2014), unité d’intervention brève en psychiatrie (Anderson et al., 2022)), etc. Quant à l’adéquation des services (Meadows et al., 2009), elle confère aux usagers la primauté à juger de leurs besoins et de l’étendue des services à leur répondre, s’intégrant ainsi dans l’approche du rétablissement (Davidson et al., 2007).

Sur le plan populationnel, l’équité et l’efficience dans les services s’assurent d’équilibrer notamment l’obtention de la continuité et de l’accès aux services sociosanitaires entre les usagers ou tiennent compte des coûts dans la demande de soins afin d’optimiser le rétablissement et de soigner le plus grand nombre. La coordination ou l’intégration des services relève de la complémentarité et de la hiérarchisation des soins entre les dispensateurs sociosanitaires d’un réseau (Fleury, 2005). Par ailleurs, la QS est particulièrement importante dans le contexte des maladies chroniques en croissance qui impliquent des soins continus à intensité variable à vie pour les usagers. Également, un manque d’accès aux soins ou des services non adéquats peuvent aggraver le pronostic de la maladie et diminuer l’efficience du dispositif de soins. Enfin, sur le plan populationnel, la QS a été conceptualisée à partir de plusieurs modèles, l’un des plus connus étant le modèle de Donabedian (Donabedian, 1966 ; Donabedian, 1988). Ce dernier soutient une cohérence entre la « structure » (p. ex. infrastructures, personnel, équipements, systèmes d’information ou d’opération [rendez-vous, heures d’ouverture]), les « processus » de soins (p. ex. données probantes : approches, traitements, modèles ; procédures de travail dont intégration des familles et des usagers dans le traitement) et les « résultats de santé » (guérison/rétablissement – p. ex. diminution des symptômes ; augmentation du fonctionnement, de l’emploi, du maintien en logement, de la satisfaction envers les services, de la qualité de vie). La QS n’est ainsi optimale que si elle conduit à une amélioration de la santé ou du bien-être des usagers ou des populations, et si ces résultats sont reliés à une adéquation des structures et des processus de soins – cette deuxième condition est également importante, car les effets doivent relever des structures/processus de soins et non d’autres conditions.

Évaluation de la QS en SM : bref état des lieux au Québec et enjeux d’implantation 

Une personne sur trois serait affectée par un TM au cours de sa vie (Statistique Canada, 2012 ; McGrath, 2023). Les usagers ont aussi souvent plus d’un TM à la fois et des TM concomitants à des dépendances et des maladies physiques chroniques (Goldman et al., 2020). Les TM sont aussi associés à l’isolement et à la pauvreté (Brandt et al., 2022 ; Walker et al., 2017). Ces caractéristiques complexifient l’évaluation de la QS et l’efficacité des traitements. Malgré ces conditions, environ 1 personne sur 2 ayant des TM est rapportée utiliser les services de SM (NAMI, 2021 ; Stephenson, 2023). De ce nombre, au Canada, un tiers consulterait les omnipraticiens, un nombre similaire les ressources psychosociales, et à peine 13 % les psychiatres (Stephenson, 2023). Les omnipraticiens sont ainsi les dispensateurs le plus consulté pour les TM (Fleury, Farand, et al., 2012 ; Norton et al., 2018). Néanmoins, seulement environ un tiers des usagers au Québec recevraient un suivi médical après 1 mois du dépistage de leurs TM (indicateurs clés aussi dans le suivi des soins aigus), et une minorité similaire recevrait au moins 3 suivis à 3 mois (phase aigüe des TM) et 5 suivis à 1 an de la détection de leurs TM incidents (assurant le rétablissement) ; ces soins médicaux auraient décliné de 13 % de 2000 à 2020 (Fleury et al., 2023). Concernant le suivi des TM courants en première ligne, plusieurs études ont établi que seule une minorité d’usagers recevraient des soins selon les standards de qualité établis (Duhoux et al., 2012 ; Duhoux et al., 2011 ; Petrosyan et al., 2017 ; Roberge et al., 2015).

Des usagers utilisant les services de SM pour leurs TM, de 40 % à 47 % rapportent, en fait, des besoins non comblés (Dezetter et al., 2015 ; Stephenson, 2023). L’adéquation des services est particulièrement problématique quant à l’accès à la psychothérapie ou au counseling où une majorité rapporte des besoins non comblés (Stephenson, 2023). Les listes d’attente sont longues dans les équipes de SM de première ligne où les usagers attendent environ 5-6 mois selon la priorisation de leurs cas, et qu’une minorité atteint la cible d’un mois d’attente maximale (Champagne et al., 2018 ; Fleury, Grenier, et al., 2019 ; Fleury et al., 2016 ; MSSS, 2021). Au Canada, selon une étude récente, environ 2/3 des Canadiens ont accès à une assurance pouvant couvrir la psychothérapie, et ces services sont non accessibles aux usagers plus démunis ou sans emplois (CLHIA, 2018). Bien que depuis 2020 tous les établissements publics en SM peuvent offrir le Programme québécois pour les TM (des autosoins à la psychothérapie [PQPTM]), peu d’information est disponible sur l’implantation et les effets de ce programme, qui vise à favoriser la QS en SM et particulièrement étendre le soutien psychosocial (MQRP, 2022).

Les autres services de SM ne sont pas non plus optimaux dont les soins psychiatriques, où les attentes sont longues, près de 12 % des postes de psychiatres vacants actuellement et une majorité de psychiatres concentrés dans les 3 territoires de santé universitaires (Champagne et al., 2018 ; VGQ, 2023). L’accès à l’hébergement abordable pour les usagers ayant des TM ou en situation d’itinérance est aussi un enjeu clé (VGQ, 2023). Dans le cadre du Plan d’action en SM de 2015, le suivi intensif, d’intensité variable, pour les premiers épisodes psychotiques, les services de crise et globalement les services destinés aux jeunes de 12 à 25 (p. ex. Aire ouverte) ont néanmoins été substantiellement consolidés (MSSS, 2021). Les services de SM globalement au Québec demeurent néanmoins sous-financés comparés à la situation dans d’autres pays (Bartram, 2019 ; MQRP, 2022). Les soins de collaboration entre la psychiatrie et les services de première ligne, un des enjeux clés des plans d’action de 2005 et de 2015, demeurent aussi peu implantés (Fleury et al., 2021).

La QS en SM peut également être étudiée via les services d’urgence, qui représentent un baromètre clé de la QS aiguë et ambulatoire et de la coordination des services dans un dispositif de soins. En 2014-15, près du double des usagers ayant des TM au Québec avaient utilisé les urgences (39 % vs 19 %) ou avaient été hospitalisés par rapport à la population sans TM (34 % vs 20 %), démontrant ainsi des problèmes importants d’accès et de continuité des soins ambulatoires en SM (Fleury et al., 2019). Environ 50 % de ces usagers ayant des TM en 2014-15 n’avaient eu aucune consultation médicale dans l’année précédant leur visite à l’urgence, démontrant aussi le rôle de l’urgence comme « porte d’entrée » des services de SM (Fleury, Fortin, et al., 2019). Des indicateurs de QS reliés à l’utilisation de l’urgence pour les usagers ayant des TM au Québec ont aussi été comparés entre 2005-06 et 2014-15, où plus de détériorations que d’améliorations ont été identifiées (Fleury, Fortin, et al., 2019). Particulièrement, en 2014-15, environ un tiers des usagers avec des TM ayant utilisé les urgences ou ayant été hospitalisés avaient reçu un suivi médical dans une période de 30 jours pour raisons de SM et environ 70 % pour toutes raisons (Fleury et al., 2019 ; Gabet, Gentil, et al., 2022 ; Fleury et al., 2022). Dans une étude récente (Fleury et al., 2022), un suivi médical dans les 90 jours suivant une hospitalisation psychiatrique, et particulièrement dans le premier mois, a notamment été associé à une réduction des risques de réhospitalisation dans les 6 mois suivants. Dans cette étude, les deux tiers des usagers, hospitalisés dans plusieurs hôpitaux du Québec entre 2012-13 et 2016-17, avaient reçu ce type de suivi. Environ 1 usager sur 10 ayant des TM en 2014-15 ou en 2020-21, dans plusieurs hôpitaux du Québec, avait aussi été réhospitalisé à un mois de leur congé hospitalier (Gentil et al., 2021 ; VGQ, 2023), démontrant des lacunes dans la transition des soins. Une méta-analyse récente établit la réhospitalisation psychiatrique à moins de 30 jours au niveau international à 16 % (entre 13 à 20 % selon les études) (Muhammad et al., 2023). Par ailleurs, bien qu’une minorité d’usagers ayant des TM étaient hospitalisés plus de 30 jours au Québec pour toutes raisons (3 %) en 2014-15, ce pourcentage était 10 fois moindre pour les usagers sans TM (0,3 %) (Fleury et al., 2019).

Enfin, 17 % des usagers ayant des TM en 2014-15 avaient utilisé 4+ fois les urgences pour toutes raisons, et de ce pourcentage 22 % de 3 à 5 ans consécutivement (Fleury et al., 2019) et 10 % 3+ fois les urgences pour raisons de SM (Fleury, Rochette, et al., 2019), se qualifiant comme grands utilisateurs des services d’urgences. Ces usagers sont particulièrement considérés vulnérables et les services ambulatoires grandement inaccessibles ou inadéquats à répondre à leurs besoins (Fleury et al., sous presse). Dans le cadre du Plan d’action interministériel en SM 2022-2026, différentes mesures sont en implantation dans les urgences dont le déploiement d’infirmières praticiennes spécialisées en SM, d’équipes spécialisées d’intervention rapide et de relais, d’unité d’intervention brève en psychiatrie, et des traitements intensifs brefs à domicile (gouvernement du Québec, 2022). Très peu de stratégies ont néanmoins été déployées visant les grands utilisateurs des services d’urgence, et une meilleure coordination de l’urgence aux services ambulatoires hospitaliers ou dans la communauté (Gabet et al., 2023 ; Gaida et al., 2023 ; VGQ, 2023).

Plusieurs études établissent le retard dans la QS de SM dans plusieurs pays comparativement aux services de santé physique, et le peu d’avancées dans les dernières années de la QS en SM, et ce malgré les coûts et la morbidité élevés associés à la SM (Campbell et al., 2000 ; Fleury et al., 2016 ; Kilbourne et al., 2018). Globalement, le soutien clinique ; le déploiement de données probantes, dont l’amélioration du travail en équipe, de soins de collaboration et de modèles de soins chroniques ; de stratégies d’amélioration continue, de soutien à la décision clinique et du monitorage des interventions et des résultats de santé demeurent des recommandations clés pour l’amélioration des services de SM (Fleury et al., 2016 ; Menear et al., 2017). L’amélioration de l’accès et de la continuité des services par les ressources biopsychosociales et entre les dispensateurs de services en SM, dont des dossiers cliniques complets partagés entre les dispensateurs de soins, est particulièrement préoccupante (MQRP, 2022 ; MSSS, 2021 ; VGQ, 2023). L’évaluation de la QS en SM devrait reposer sur un système rigoureux d’indicateurs de soins au niveau des traitements, des programmes, des établissements et des réseaux sociosanitaires, et une rétroaction régulière effectuée afin d’améliorer la QS. Notamment, l’implantation de système de « measurement-based care » en psychiatrie demeure fort limitée, utilisée surtout en recherche et dans les études cliniques (Aboraya et al., 2018). Dans la réforme sociosanitaire en cours, il sera important de monitorer ou d’évaluer à la fois les structures et les processus de soins en lien avec des résultats clés de santé, comme le soutient le modèle d’évaluation de la QS de Donabedian.

Brève présentation des articles de ce numéro

Dans le cadre des activités de l’axe SM des populations du Réseau de recherche en santé des populations du Québec (RRSPQ), un appel de propositions d’articles sur la QS a été lancé. Ce numéro est donc une initiative coordonnée et soutenue financièrement par l’axe SM des populations du RRSPQ, dont je suis la responsable, et que nous remercions pour son soutien à ce numéro. La QS en SM est ainsi apparue comme une thématique d’intérêt, particulièrement dans cette période charnière de transformations. Le Plan d’action interministériel en SM ayant été lancé en 2022, et d’importants changements structurels du système sociosanitaire pour une autre fois (! !) s’opérationnaliseront bientôt. Ce numéro, comprenant 10 articles, permettra ainsi de mieux cerner certains dimensions ou programmes clés de la QS en SM et proposera certaines pistes d’amélioration.

D’abord, l’article de Menear et ses collaborateurs, basé sur une recension exhaustive de la littérature, campe le numéro en identifiant les indicateurs de la QS en SM pour les approches centrées sur la personne et axées sur le rétablissement. Ces approches sont centrales dans les orientations actuelles supportant les transformations en SM, et sont associées à une meilleure QS.

L’article de Lane et ses collaborateurs présente les défis d’implantation du programme HORS-PISTE, innovation déployée dans un grand nombre d’écoles au Québec. La SM des jeunes est un enjeu clé, sachant que la majorité des TM se développe avant l’âge adulte (Solmi et al., 2022). La consolidation des services aux jeunes est aussi au coeur des réformes en SM des dernières années aux Québec et au niveau international (MSSS, 2015). L’école est également un partenaire clé dans le développement des services de SM et pour la prévention/promotion de la SM (MSSS, 2021).

L’article de Houle et ses collaborateurs présente l’état des lieux des services de SM dans les centres locaux de services communautaires (CLSC). Ces services ont été créés dans le cadre de l’implantation du Plan d’action en SM de 2005. Ce plan était fort innovateur, et pour une première fois, a priorisé les services de SM des usagers ayant des TM courants en créant ces équipes de SM dans les CLSC. Mieux connaître la QS dans ces équipes et comment ces services pourraient être améliorés est crucial.

L’article de Piché et ses collaborateurs s’intéresse aux pratiques centrées sur la famille chez les professionnels en SM, offrant un portrait de la situation pour le Québec. L’intégration de la famille dans le traitement des usagers et l’organisation des services est très importante, et particulièrement pour les jeunes ou les parents ayant des TM et pour les populations plus vulnérables. L’article nous permet de mieux comprendre l’intégration de cette pratique comparant différents types de cliniciens en SM (p. ex. psychologues, infirmières vs travailleurs sociaux).

Morin et ses collègues poursuivent sur la thématique des familles, en cernant les enjeux du partage de l’information et de la confidentialité qui souvent enfreignent l’intégration des proches dans les soins des usagers. En SM, les proches aidants sont des acteurs clés dans le rétablissement des usagers, et sont aussi plus à risque de développer eux-mêmes des TM s’ils ne sont pas aussi soutenus (Cabral et al., 2014).

L’article de Gaida et ses collègues discute des facteurs facilitant ou entravant les services d’urgence en SM par les grands utilisateurs de ces services, cernant le point de vue des dispensateurs de soins. L’importance des services d’urgence comme baromètre du système sociosanitaire a déjà été soulignée et l’intérêt de mieux desservir ces patients particulièrement dénoté dans un rapport récent du Vérificateur général du Québec (VGQ, 2023). Les services d’urgence sont parmi les services de santé les plus dispendieux (Galarraga et al., 2016), et ne devraient pas remplacer les services ambulatoires pour les patients ayant des TM.

L’article de Thibeault et ses collaborateurs cerne les enjeux de la responsabilité civile du psychiatre au Canada lors du suicide d’usagers. Plus du tiers des usagers qui utilisent les urgences pour des TM ont des comportements suicidaires (Barratt et al., 2016 ; Gentil et al., 2020), dont plusieurs seront hospitalisés. La QS offerte à ces patients, pour lesquels dépister adéquatement les risques de suicide et déployer des mesures de contrôle ou de supervision nécessaires sont importants, le psychiatre étant le principal responsable de la décision clinique dans les soins hospitaliers.

Les trois derniers articles de ce numéro s’intéressent à la gérontopsychiatrie. Les TM chez les usagers âgés de 65+ sont souvent sous-dépistés et les services qui leur sont offerts méritent grandement d’être bonifiés, particulièrement dans le contexte du vieillissement de la population (Grenier et al., 2019).

L’article de Bruneau et ses collègues s’intéresse spécifiquement à l’amélioration des services auprès des usagers affectés par la démence au Québec, une maladie en croissance (Alzheimer’s Disease International, 2023) et dont le fardeau de soins est important (Shah et al., 2016).

L’article de Beaujoin et collaborateurs se préoccupe des résidents ayant des dépendances en hébergements de soins de longue durée. On y identifie les différentes pratiques variées coexistantes dans ces centres : de l’abstinence au « laisser-faire » vis-à-vis la consommation, s’articulant dans un difficile équilibre entre la santé, la sécurité et le respect des droits des usagers.

Enfin, le numéro se conclut sur l’article de Grenier et ses collègues, qui discutent d’un thème grandement d’actualité : les expériences d’accompagnement en fin de vie à domicile, plus particulièrement durant la pandémie de COVID-19. Les proches aidantes sont au coeur de l’accompagnement en fin de vie des usagers. L’article rapporte les principaux défis et enjeux associés à ce rôle, qui ont été encore plus critiques et exigeants dans le contexte de la pandémie.

Enfin, espérons que cette édition spéciale de la revue Santé mentale au Québec favorisera l’échange de connaissances et la réflexion concernant l’amélioration de la QS en SM – un enjeu majeur. Dans le contexte actuel de transformations des services de santé, la mobilisation de l’ensemble du réseau est nécessaire pour la poursuite des efforts, et tous doivent intégrer la recherche de l’innovation et de l’amélioration continue des pratiques. Nous espérons ainsi que cette édition contribue à cet effort collectif d’optimisation de la QS de SM, et que vous saurez prendre intérêt et plaisir à la lecture de ce numéro.

Auteurs : Marie-Josée Fleury
Titre : Notions et brève évaluation de la qualité des services en santé mentale au Québec
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 48, numéro 2, automne 2023
p. 13-27
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1109832ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1109832ar