Présentation

Karine J. Igartua
M.D., C.M., FRCPC, professeure agrégée au Département de psychiatrie de la faculté de médecine de l’université McGill
Codirectrice médicale, Centre d’orientation sexuelle de l’Université McGill
Psychiatre au Centre universitaire de santé McGill
Présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec

Résumé/Extrait

C’est avec un immense plaisir que j’ai accepté l’invitation des membres du comité de rédaction de la revue à me joindre à eux à titre de codirectrice d’un numéro spécial sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle. Ce numéro représente une opportunité de me rapprocher un peu plus d’un rêve que je chéris depuis près de vingt ans et il s’insère parfaitement dans la logique et la progression de mes activités cliniques et universitaires.

Il y a une vingtaine d’années, j’ai rencontré Richard Montoro alors que nous étions résidents en psychiatrie. Ce fut le début d’une solide amitié et d’un rêve commun : celui de créer un endroit sécuritaire permettant à quiconque ayant un questionnement ou un malaise par rapport à son orientation sexuelle de consulter un professionnel de la santé mentale. C’est ainsi que cinq ans plus tard, en 1999, le Centre d’orientation sexuelle de l’Université McGill (COSUM) voyait le jour. Optimiste ou peut-être même idéaliste, je me souviens d’avoir dit à Richard que c’était un projet de dix ans. Je me disais qu’une décennie plus tard, la société aurait évolué suffisamment pour faire en sorte qu’une clinique spécialisée ne soit plus nécessaire. J’imaginais un monde professionnel où les théories pathologisantes de l’homosexualité auraient été remplacées par des théories normatives de façon à ce que tous les thérapeutes se sentent adéquatement outillés pour travailler avec cette population.

Or, lorsque l’homosexualité a été retirée du DSM, l’enseignement par rapport à l’homosexualité a cessé de faire partie du cursus universitaire des psychothérapeutes. Dès lors, l’on s’est mis à traiter les homosexuels comme les hétérosexuels. Au nom de la rectitude politique, on occultait les différences entre ces deux populations. Ce faisant, on ne répondait pas aux besoins propres à la population différente de la norme hétérosexuelle. Richard et moi avons commencé à enseigner notamment aux étudiants en médecine, aux résidents en psychiatrie, aux stagiaires en travail social, aux candidats au doctorat en psychologie et aux internes en sexologie. Je maintenais toujours le rêve d’une société de moins en moins discriminante, combinée avec une cohorte de professionnels de la santé suffisamment formés pour faire en sorte que notre clinique ne soit plus nécessaire.

Aujourd’hui et après plus de dix ans, le rêve se réalise progressivement. En fait, nous avons de moins en moins de demandes de la part de gens confus ou mal à l’aise relativement à un homoérotisme. Il est possible que les années d’enseignement portent fruit et les gens consultent des psychothérapeutes localement sans avoir à s’adresser à notre centre tertiaire. J’ose croire également que l’ouverture d’esprit de la société permet à beaucoup de personnes d’apprivoiser leur sexualité minoritaire sans notre aide.

On a tendance à croire que la société évolue constamment vers un respect croissant des droits humains mais l’histoire nous démontre autre chose. Le mouvement des droits est plutôt comme un balancier, avec des extrêmes de libertés et de répression. Nous devons donc demeurer attentifs aux mouvements qui viendraient bafouer les droits acquis.

Depuis quelques années, nous avons commencé à traiter de plus en plus de personnes qui remettent en question leur identité de genre. C’est ainsi que le mandat de notre centre s’est élargi pour inclure non seulement la détresse reliée à l’orientation sexuelle mais aussi à l’identité de genre. Ce faisant, nos programmes d’enseignement ont aussi changé. Mon rêve comprend désormais une société ouverte non seulement à la diversité sexuelle mais à la diaspora de genres. Le contenu de ce numéro spécial qui, je l’espère, contribuera à mon ambition, reflète également cette ouverture.

Avant de vous présenter le numéro, je veux remercier publiquement deux personnes très importantes : mon collègue Richard Montoro et ma conjointe Donna Coffin.

Auteur : Karine J. Igartua
Titre : Présentation
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 40, numéro 3, automne 2015, p. 11-17

URI : http://id.erudit.org/iderudit/1034908ar
DOI : 10.7202/1034908ar

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