Surveiller, contrôler et traiter : le consentement aux soins à la Commission québécoise d’examen
Emmanuelle Bernheim
Professeure titulaire, Section de droit civil, Faculté de droit, Université d’Ottawa – Titulaire, Chaire de recherche du Canada en santé mentale et accès à la justice
Guillaume Ouellet
Chercheur d’établissement, CIUSSS Centre-sud-de-l’île-de-Montréal – Professeur associé, Département de travail social, Université du Québec à Montréal
Pierre Pariseau-Legault
Professeur agrégé, Département de sciences infirmières, Université du Québec en Outaouais
Nicolas Sallée
Professeur agrégé, département de sociologie, Université de Montréal – Directeur scientifique du Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales et les discriminations (CRÉMIS)
Vous pouvez télécharger l’article en cliquant sur le lien suivant :
RÉSUMÉ Objectif Le droit au refus de soins des accusés déclarés criminellement non responsables pour cause de troubles mentaux ou inaptes à subir leur procès est reconnu et strictement encadré par les mécanismes légaux du droit civil québécois et le droit criminel canadien ne permet pas de les traiter contre leur volonté. Les commissions d’examen, qui sont chargées de statuer et de réévaluer périodiquement leur situation, ne peuvent prescrire de traitement, mais ont l’autorité, avec le consentement des accusés, d’imposer une condition relative à un traitement. Cette étude ethnographique vise à documenter le discours et les pratiques de la Commission québécoise d’examen en la matière.
Méthode Une analyse thématique de contenu a été réalisée. Le matériel de recherche est composé d’observations d’audiences de la Commission d’examen (n = 70), de fiches d’information sur les dossiers judiciaires remplies par des avocats de la défense (n = 191), d’entrevues avec des psychiatres (n = 7) et des avocats de la défense (n = 7) et de l’étude de 100 décisions judiciaires de 2018, sélectionnées au hasard.
Résultats Notre étude démontre que les pratiques de la Commission québécoise d’examen permettent, directement ou indirectement, via l’ambiguïté des conditions ou des pressions exercées par certaines équipes traitantes, de passer outre les refus de soins des accusés et d’imposer des traitements. Les implications de ces constats pour l’évolution des savoirs et des pratiques en psychiatrie légale sont discutées.
Conclusion Alors que les commissions sont censées gérer le risque pour la sécurité du public, elles se trouvent dans les faits, en contexte de désengagement de l’État en matière sociale, à exercer une surveillance et un contrôle notamment via les conditions concernant les traitements.
Mots-clés : consentement aux soins, refus de soins, commission d’examen, risque, droit criminel
Keep an Eye on, Control and Treat: Consent to Care at the Quebec Review Board
ABSTRACT Objectives The right to refuse care for accused persons found criminally not responsible on account of mental disorder or unfit to stand trial is recognized and strictly regulated by the legal mechanisms of Quebec civil law, and Canadian criminal law does not allow them to be treated against their will. Review Boards, which are responsible for ruling on and periodically re-evaluating their situation, cannot prescribe treatment, but have the authority, with the consent of the accused, to impose a condition relating to treatment. The purpose of this ethnographic study is to document the discourse and practices of the Quebec Review Board in this area.
Method The research material consists of observations from the hearings of the Quebec Review Board (n = 70), file observation grids completed by defense lawyers (n = 191), interviews with psychiatrists (n = 7) and defense lawyers (n = 7) and the study of one hundred court decisions from 2018, randomly selected.
Results Our study shows that the practices of the Quebec Review Board make it possible, directly or indirectly, through the ambiguity of conditions or the pressure exerted by certain treatment teams, to override the accused’s refusal of care and to impose treatment. The implications of these findings for the evolution of knowledge and practices in forensic psychiatry are discussed.
Conclusion While the Review Boards are supposed to manage the risk to public safety, they are in fact, in the context of the State’s disengagement in social matters, exercising surveillance and control, in particular via the conditions relating to treatment.
Keywords: consent to care, refusal of care, review board, risk, criminal law
Auteurs : Emmanuelle Bernheim, Guillaume Ouellet, Pierre Pariseau-Legault et Nicolas Sallée
Titre : Surveiller, contrôler et traiter : le consentement aux soins à la Commission québécoise d’examen
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 47, numéro 1, printemps 2022, p. 128-111
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1094147ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1094147ar
Tous droits réservés © Département de psychiatrie de l’Université de Montréal, 2022