Tableau clinique des personnes cyberdépendantes demandant des services dans les centres publics de réadaptation en dépendance au Québec : étude exploratoire

Magali Dufour
Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke
Louise Nadeau
Département de psychologie, Université de Montréal.
Sylvie R. Gagnon
Centre de réadaptation en dépendance de Lanaudière – Point de services de Terrebonne, CSSS du Nord de Lanaudière

Résumé

À ce jour, il n’existe aucun consensus quant aux critères diagnostiques d’une dépendance à Internet (Hinic, 2011 ; Tonioni et al., 2012 ; Weinstein et Lejoyeux, 2010). Pourtant, des personnes s’autodéclarent cyberdépendantes et réclament des soins dans les centres de réadaptation en dépendance (CRD) au Québec. Ces admissions ont amené l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal à demander la réalisation d’une étude descriptive sur la cyberdépendance.
Objectifs : Décrire les caractéristiques sociodémographiques des cyberdépendants en traitement dans les CRD ; et 2) Documenter leurs problématiques associées telles les problèmes de consommation d’alcool, de drogues, pratiques de jeux, estime de soi, symptômes de dépression et d’anxiété.
Méthode : L’étude a été menée dans huit CRD au Québec. Un échantillon de convenance de 57 personnes a été recruté sur une période de 24 mois de 2010 à 2012. Pour participer à cette étude, il fallait être âgé d’au moins 18 ans, s’identifier comme étant cyberdépendant, demander de l’aide pour un problème de cyberdépendance dans un CRD public. L’Internet addiction test (IAT) (Young, 1998), dans sa version française validée (Khazaal et al., 2008), a servi à évaluer la gravité des habitudes d’utilisation d’Internet. Les problèmes associés ont été évalués à l’aide des questionnaires suivants : l’inventaire d’anxiété de Beck (Beck, Epstein, Brown et Steer, 1988) ; l’inventaire de dépression de Beck (Bourque et Beaudette, 1982) ; le DÉBA-Alcool/Drogues/Jeu (Tremblay et Blanchette-Martin, 2009) et le questionnaire de l’échelle d’estime de soi (Rosenberg, 1965).
Résultats: Cinquante-sept personnes ont accepté de participer à l’étude. La très grande majorité des participants était des hommes (88 %), âgés en moyenne de 30 ans, vivant chez leurs parents et ayant un faible revenu. Ils consultaient à la suite des recommandations de leurs proches et rapportaient de nombreuses conséquences reliées à leur utilisation d’Internet. Ils passaient en moyenne 65 heures par semaine sur Internet et rapportaient avoir plusieurs applications problématiques. Les applications problématiques les plus fréquemment rapportées étaient les jeux de rôles multijoueurs (57,8 %), les sites de divertissement streaming (35,1 %) et les bavardoirs communément appelés chat rooms (29,8 %). À l’échelle d’estime de soi, 66,6 % des participants présentaient une estime de soi très faible, ou faible, alors que 21,1 % rapportaient une estime supérieure à la moyenne. L’inventaire de dépression de Beck a évalué que 3,5 % (n = 2) de l’échantillon atteignait le seuil clinique tandis que 7,5 %, (n = 4) vivait de l’anxiété atteignant le seuil clinique. Presque la moitié (45,6 %) prenait une médication psychotrope pour un problème de santé mentale et 33,3 % présentait un problème de santé physique chronique.
Conclusion : Cette étude a permis de mettre en lumière les caractéristiques d’un groupe encore méconnu dans la population, soit les personnes cyberdépendantes. Ces cyberdépendants vivent des conséquences significatives à la suite de la perte de contrôle de l’utilisation d’Internet. Par ailleurs, à leur admission en traitement, bien que la détresse psychologique subjective ne soit pas toujours élevée, les participants présentent un tableau clinique complexe où la comorbidité est la règle plutôt que l’exception. Il nous semble que les données actuelles comportent suffisamment de similarités avec les autres troubles addictifs pour permettre aux cliniciens de travailler en prenant assise sur leur expérience avec d’autres dépendances.

Mots clés cyberdépendance, dépendance à Internet, comorbidité, IAT

Internet addiction: a descriptive clinical study of people asking for help in rehabilitation treatment center in Quebec: exploratory study

Abstract

To date, there is no consensus on the diagnostic criteria for Internet addiction (Hinic, 2011; Tonioni & coll., 2012; Weinstein & Lejoyeux, 2010). Nonetheless, some people consider themselves cyberdependent and request treatment services in the addiction rehabilitation centers (ARC) of the province of Quebec. These admissions have led the Health and Social Services Agency of Montreal to ask for the realization of a descriptive study on Internet addiction.
Objectives: 1) Describe the socio-demographical characteristics of cyberdependent individuals receiving treatment in the ARC; 2) Document their associated problems, such as problems related to alcohol and drug abuse, gambling, self-esteem, and symptoms of depression and anxiety.
Methodology: The study was conducted in eight ARC’s of the province of Quebec. A convenience sample of 57 people was recruited over a period of 24 months, from 2010 to 2012. To participate in this study, individuals had to be 18 years or older, identify themselves as cyberdependent, and request help for an Internet addiction problem in a public ARC. The Internet Addiction Test (Young, 1998), in its validated French version (Khazaal & coll., 2008), was used to assess the severity of Internet use habits. The associated problems were assessed using the following questionnaires: the Beck Anxiety Inventory (Beck, Epstein, Brown & Steer, 1988); the Beck Depression Inventory, in its validated French version (Bourque & Beaudette, 1982); the DÉBA-Alcool/Drogues/Jeu (Dépistage-évaluation du besoin d’aide), an instrument used to screen and assess the need for help in problems related to alcohol, drugs, and gambling (Tremblay & Blanchette-Martin, 2009), and the Rosenberg’s Self-Esteem Scale (Rosenberg, 1965).
Results: Fifty-seven people agreed to participate in the study. A large majority of these cyberdependent individuals were male (88%), the mean age was 30 years old, had low incomes and were living with their parents. They consulted following the pressure of their entourage and reported many consequences due to their Internet addiction problem.They spent, on average, 65.8 hours per week on the Internet and reported having several problematic applications. Amongst these problematic applications, the most frequently reported were the role playing game (MMORPG) (57.8%), the streaming on entertainment sites (35.1%), and the chat rooms (29.8%). Regarding the self-esteem scale, 66.6% of participants presented a very low or low self-esteem, while 21.1% presented an above average self-esteem. According to Beck Depression and Anxiety Inventories, 3.5% (n=2) of the sample reached the clinical threshold for depression, while 7.5% (n=4) reached it for anxiety. Almost half (45.6%) of the participants were taking psychotropic medication for a mental health problem, and 33.3% had a chronic physical health problem.
Conclusion: This study highlights the characteristics of a still unknown group in the population, that of cyberdependent people. Individuals having an Internet addiction problem live significant consequences due to the loss of control on their Internet use. In addition, when they are admitted into treatment, even if the subjective psychological distress is not always high, participants present a complex clinical profile, where comorbidity is the rule rather than the exception. We believe that the current data show enough similarities with other addictive disorders, to allow clinicians to work taking into consideration their experience with other addictive behaviours.
keywords Internet

Keywords Internet addiction, comorbidity, IAT

Auteur : Magali Dufour; Louise Nadeau; Sylvie R. Gagnon
Titre : Tableau clinique des personnes cyberdépendantes demandant des services dans les centres publics de réadaptation en dépendance au Québec : étude exploratoire
Revue : Santé mentale au Québec, Volume 39, numéro 2, automne 2014, p. 149-168

URI : http://id.erudit.org/iderudit/1027837ar
DOI : 10.7202/1027837ar

Tous droits réservés © Département de psychiatrie de l’Université de Montréal, 2014

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